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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

sable, tantôt entre deux montagnes, tantôt sous terre. tantot à travers un océan auquel ils se mėlent en le traversant, mais d’où ils ressortent les mėmes en changeant de nom et même de direction, mais ce n’est que pour poursuivre toujours la méme, celle qui est fixée et inconnue.

Par qui ? Dieu ? Ou la nature ? Si Dieu est la nature, nous ne sommes que des imbéciles, car la nature n’a rien à faire avec les hommes et leurs intérêts. Dans les classes de philosophie, on prouve fort bien l’existence d’un Etre suprême, en désignant le mécanisme de l’univers ; mais prouve-t-on l’existence d’un Dieu tel que nous nous l’imaginons ? La nature s’occupe à faire mouvoir les astres, à soigner physiquement notre terre. Mais notre esprit, mais notre âme ? Il faut admettre un Dieu autre que la vague idée d’une personnification du mécanisme universel. Il

faut, pourquoi ?… A cet endroit, j’ai été interrompue et je ne suis plus au fait à présent.

J’ai été à la poste prendre mes photographies et une dépéche de mon père : il télégraphie à Berlin que mon arrivée serait pour lui « un vrai bonheur ». Ayant trouvé Giro au lit, je restai quelque temps chez elle ; un mot nous fit parler de Rome, et je lui racontai mes aventures dans cette ville avec feu et gestes. Je ne m’interrompais que pour rire, et Giro et Marie se roulaient dans leur lit.

Un trio incomparable, je ne ris ainsi qu’avec mes Grâces.

Et par une réaction subite, sinon naturelle, je tombai dans la mélancolie au retour.