Page:Bashkirtseff - Journal, 1890, tome 1.pdf/245

Cette page n’a pas encore été corrigée
242
JOURNAL

Les locomotives sont chauffées avec du bois, ce qui nous épargne l’horrible saleté du charbon. Je me réveillai toute propre et passai la journée. à causer, à dormir et à regarder par la fenêtre notre belle Russie si plate, mais cette campagne rappelle celle de Rome. A neuf heures et demie il faisait encore clair. Nous avions passé Gatchina, l’ancienne résidence de Paul Ir, si persécuté pendant la vie de sa superbe mère, et enfin nous voilà à Tzarskoë-Selo et dans vingt-cinq minutes à Pétersbourg. Je suis descendue à l’hôtel Demouth, accompagnée d’un oncle, d’une femme de chambre, d’un nègre suivie d’un nombreux bagage et avec 50 roubles dans la poche. Qu’en dites-vous ? Pendant que je soupais dans mon salon assez grand, sans tapis et sans peinture au plafond, l’oncle entra. Sais-tu qui est ici, qui est chez moi ? demandat-il. Non,

qui ? Devinez, princesse.

Je ne sais pas ! — Paul Issayevitch ; peut-on le faire entrer ? Oui, qu’il entre.

Issayevitch est à Pétersbourg avec le général gouverneur de Wilna, M. Albedinsky, celui qui a épousé l’ancienne favorite de l’Empereur. Il a reçu ma dépèche d’Eydtkühnen au moment de partir. Ne pouvant manquer au service, il avait chargé son ami le comte Mouravieff de venir à ma rencontre. Mais ce comte a été dérangé en vain, attendu que nous avons passé Wilna cette nuit à trois heures, et je dormais comme une bienheureuse. Qui niera ma bonté, après quej’aurai dit que j’ai été