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JOURNAL

Si on prenait la peine d’analyser ses sentiments

en sortant de pareils endroits, on trouverait qu’on pense comme moi. Pourquoi vouloir s’identifier aux

autres ?

Tout en n’aimant pas la sécheresse et le matérialisme des Allemands, il faut leur reconnaître bien des qualités ils sont très polis, très obligeants. Et ce qui me plaît surtout, c’est ce respect qu’ils ont pour les princes et leur histoire. Cela tient à ce qu’ils sont vierges de l’infection qu’on nomme république. Rien ne vaut une république idéale mais la république est comme l’hermine la moindre tache la tue. Et trouvez-moi une république sans taches 1

Non, cette vie-là est impossible, c’est un affreux pays. De belles maisons, des rues larges, mais. mais rien pour l’esprit ou l’imagination. La plus petite ville

d’Italie vaut Berlin. Ma tante me demande combien de pages j’ai écrites. Cent pages, je crois, dit-elle. En effet, j’ai l’air d’écrire ; mais non, je pense, je rêve, je lis, puis j’écris deux mots, et comme cela toute la journée. C’est singulier comme je comprends les bienfaits de la république depuis que je suis bonapartiste. Non, vrai, la république est le seul gouvernement heureux ; seulement, en France, il est impossible. D’ailleurs la république française est bâtie dans la boue et le sang. Voyons, ne pensons pas à la république. C’est que j’y pense depuis tantôt une semaine ; car enfin, voyons, la France est-elle plus malheureuse