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JOURNAL

choléra en Russie ; mais je ne crains rien, je ne suis pas fataliste, et je ne crois pas que tout soit écrit d’avance ; je crois fermement que rien ne se fait sans la volonté de Dieu, et si Dieu veut que je meure à présent, rien ne pourra l’empécher, tandis que s’il me réserve une longue vie, aucune épidémie au monde ne me fera aucun mal.

Ma tante me prie de me coucher, car il est une heure.

— Laissez-moil lui dis-je, si vous m’ennuyez, je deviendrai folle.

Mon Dieu ! quelle idée me trouble encore ? Paris ! Oui ! Paris ! le centre de l’esprit, de la gloire ! de tout ! Paris ! la lumière et la vanité, le vertige ! Mon Dieu ! donnez-moi la vie que je veux, ou faitesmoi mourir…

— Depuis le matin, je prends le Vendredi 14 juillet.

plus grand soin de ma personne : je ne tousse pas une fois de trop, je ne me remue pas, je meurs de chaleur et de soif, mais je ne bois pas. À une heure seulement, je prends une tasse de café et je mange un euf, si salé que c’est plutôt du sel avec un euf qu’un ceuf avec du sel. J’ai idée que le sel fait du bien au gosier. Je mets une robe de batiste grise tout unie, un fichu de dentelle noire et un chapeau marron. Mais, une fois habillée, je me trouve si bien, que je voudrais toujours être ainsi.

Enfin, nous partons, prenons Mme de M… et arrivons à la porte du n° 37 de la Chaussée-d’Antin, chez M. Wartel, le premier professeur de Paris. Mmo de M… a été chez lui et lui a parlé d’une jeune fille qui lui est particulièrement recommandée