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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Je me mis aussitôt à lire Corinne. Cette description de l’Italie a un charme tout particulier pour moi. Et avec quel bonheur je revoyais par cette lecture Rome… ma belle Rome avec tous ses trésors ! J’avoue tout simplement que je n’ai pas du premicr abord compris Rome. Ma plus forte impression a été le Colisée et, si je savais écrire comme je pense, j’aurais dit une foule de pensées bien belles qui me sont venues, lorsque j’étais debout et muette dans la loge des vestales, en face de celle de César. A une heure et demie, nous sommes entrées à Paris et, il faut en convenir, Paris est, sinon la plus belle, du moins la plus gracieuse, la plus spirituelle des villes. Paris n’a-t-il pas aussi son histoire de grandeur, de décadence, de révolution, de gloire et de terreur ? Oh ! oui, mais tout pâlit devant Rome, car c’est de Rome que sont nées toutes les autres puissances. Rome a avalé la Grèce, le foyer de la civilisation des arts, des héros, des poètes. Tout ce qui a été bâti, sculpté, pensé, fait depuis, est-ce autre chose que l’imitation des anciens ? Chez nous, il n’y a d’original que le moyen âge. Oh ! pourquoi ? Pourquoi est-ce que le monde est usé ? Estce que l’esprit des hommes a déjà donné tout ce qu’il pouvait donner ?

Lundi 10 juillet. des romans, la puissance et l’éclat (vils biens de ce monde) font comme une auréole à ce qu’on aime et font presque aimer ce qu’on n’aime pas. Tant il est vrai que, malgré les cris de tous les sensibilistes, il est clairement démontré que les esprits les plus forts sont sujets à se laisser influencer par les biens apparents, par le cadre. On a beau dire, on a beau faire