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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Dieu m’a permis d’entrevoir et de comprendre, alors, c’est que je serai digne de l’avoir, ou je mourrai !

Car Dieu, ne pouvant sans injustice tout m’accorder, n’aura pas la cruauté de faire vivre une malheureuse à laquelle il a donné la compréhension et l’ambition de ce qu’elle comprend.

Dieu ne m’a pas faite telle que je suis sans dessein. Il ne peut m’avoir donné la faculté de tout voir pour me tourmenter en ne me donnant rien. Cette supposition ne s’accorde pas avec la nature de Dieu, qui est un être de bonté et de miséricorde.

J’aurai ou je mourrai. C’est comme je le dis. Qu’il fasse comme il sait ! Je l’aime, je crois en lui, je le bénis et je le supplie de me pardonner ce que je fais de mal.

Il m’a donné cette compréhension pour la satisfaire si je m’en montre digne. Si je ne suis pas digne, il me fera mourir !


Mercredi 14 juin. — Outre le triomphe que je procure à ce petit garçon italien qui me cause une vive contrariété, je vois encore le scandale qui résulte de cette affaire.

Je ne m’attendais pas à une aventure de ce genre, je n’avais rien prévu de semblable. Je n’ai jamais imaginé une pareille chose pour moi ! Je savais que cela arrivait, mais je n’y croyais pas, je ne m’en rendais pas compte, comme on ne se rend pas compte de la mort, quand on n’a jamais vu un mort. O ma vie, ma pauvre vie !…