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JOURNAL

dais pas, tout en m’y attendant, que la famille et tout ces gens-là fissent tant de tapage. Je ne m’y attendais pas, parce que je ne parlais pas sérieusement.

Il faut vous dire que l’homme est un sac tout rempli d’amour-propre et recouvert de vanité. Une chose me console un peu : avant la grande explication, il m’a souvent répété qu’il souffrait beaucoup, que je le rendais bien malheureux par mes coquetteries et mon cœur de glace.

Cela me console, mais ne me suffit pas.

Pour atténuer toutes mes plaintes ici, je voudrais produire ses plaintes et ses tourments qui me paraissent bien peu de chose, car ce n’est pas moi qui les ai éprouvés.

On prétend que la femme blonde est la femme poétique, et moi, je dis que la femme blonde est la femme matérielle par excellence.

Voyez ces cheveux dorés, ces lèvres de sang, ces yeux gris foncé, ce corps rosé, que Titien peint si bien, et dites-moi les pensées qui vous viennent à l’esprit ! D’ailleurs, nous avons Vénus, chez les païens : Madeleine, chez les chrétiens, toutes les deux blondes.

Tandis que la femme brune, qui, au fait, n’est qu’un non-sens comme un homme blond, la femme brune avec des yeux de velours et des joues d’ivoire, peut rester pure, divine.

Il y a au palais Borghèse un beau tableau de Titien, nommé l’Amour pur et l’Amour impur. L’Amour pur est une belle femme aux joues roses, aux cheveux noirs, regardant avec un regard doux son enfant qu’elle baigne dans un bassin.

L’Amour impur est une femme blonde, rousse peut