Page:Bashkirtseff - Journal, 1890, tome 1.pdf/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
174
JOURNAL

— Eh bien, une grande.

Et on se mit, lui du moins, à faire des arrangements futurs.

On voyait bien, un homme qui a hâte de changer d’état.

— Nous irons dans le monde, repris-je, nous mènerons grand train, n’est-ce pas ?

— Oh ! oui, dites-moi, racontez tout.

— Oui, lorsqu’on se décide à passer la vie ensemble, il faut le faire aussi bien que possible.

— Je comprends bien. Vous savez tout de ma famille, mais il y a le Cardinal.

— Il faut se mettre bien avec lui.

— Je crois bien, je le ferai absolument. Et vous savez, la plus grande partie de sa fortune sera pour celui qui aura le premier un fils ; aussi il faut avoir tout de suite un fils. Seulement je ne suis pas riche.

— Qu’importe ? fis-je un peu froissée, mais me possédant assez pour ne pas faire un geste de mépris : c’était peut-être un piège.

Puis, comme fatigué de ce discours sérieux, il a baissé la tête.

Occhi neri, dis-je, en les recouvrant avec ma main, car ses yeux me faisaient peur.

Il se prosterna à mes pieds et me dit tant et tant, que je redoublai de surveillance et le fis asseoir à côté de moi.

Nơn, ce n’est pas un véritable amour. Avec un véritable amour, il n’y aurait rien de mesquin ni de vulgaire à dire.

Je me sentais mécontente au fond.

— Soyez sage !

— Oui, dit-il en joignant les mains, oui, je suis sage, je suis respectueux, je vous aime !