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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

En vérité, je n’aurais été fâchée qu’à cause du Cardinal.

— Comme je vous aime ! comme vous êtes belle ! comme nous serons heureux !

Pour toute réponse, je pris sa tête dans mes mains et je l’embrassai sur le front, les yeux, les cheveux.

Je le fis plus pour lui que pour moi.

— Marie ! Marie ! criait ma tante d’en haut.

— Qu’y a-t-il ? demandai-je d’une voix calme, en passant ma tête par la trappe, pour que la voix parût venir de ma chambre.

— Il est deux heures, il faut dormir…

— Je dors.

— Tu es déshabillée ?

— Oui ; laissez-moi écrire.

— Couche-toi.

— Oui, oui.

Je descendis et trouvai la place vide : le malheureux s’était caché sous l’escalier.

— Maintenant, dit-il en venant reprendre sa place, parlons de l’avenir.

— Parlons-en.

— Où vivrons-nous ? Aimez-vous Rome ?

— Oui.

— Alors nous vivrons à Rome, mais en dehors de ma famille, tout seuls !

— Je crois bien ; d’abord maman ne me laisserait pas vivre dans la famille de mon mari.

— Elle aurait bien raison. Et puis, ma famille a des principes si extraordinaires ! ce serait un supplice. Nous achèterons une petite maison dans le nouveau quartier.

— J’aimerais mieux une grande.

Et je cachai une grimace significative.