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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

— Mais non, je ne parle pas pour vous, vous êtes une exception, vous.

— Alors ne me parlez pas d’argent.

— Dieu ! comme vous êtes, on ne peut jamais comprendre ce que vous voulez… Consentez, consentez à être ma femme.

Il voulut me baiser la main, et je lui présentai la croix de mon chapelet qu’il baisa, puis levant la tête :

— Comme vous êtes religieuse ! dit-il en me regardant.

— Et vous, vous ne croyez à rien ?

— Moi, je vous aime. M’aimez-vous ?

— Je ne dis pas ces choses-là.

— Alors, pour Dieu, faites-le-moi comprendre, au moins.

Après un instant d’hésitation, je lui ai tendu ma main.

— Vous consentez ?

— Doucement, dis-je en me levant ; vous savez qu’il y a mon grand-père et mon père, et ils opposeront une forte résistance à un mariage catholique.

— Ah ! il y a encore cela !

— Oui, il y a encore ça.

Il me prit par le bras et me plaça à côté de lui, devant la glace. Nous étions très beaux ainsi.

— Nous en chargerons Visconti, dit A…

— Oui.

— C’est l’homme qu’il faut. Mais comme nous sommes jeunes pour nous marier, pensez-vous que nous serons heureux ?

— D’abord il faudrait mon consentement.

— Sans doute. Donc, supposons, si vous consentez, serons-nous heureux ?

— Si je consens, je puis jurer sur ma tête qu’il n’y