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JOURNAL

— Eh bien, après ?

— J’ai bien fait, n’est-ce pas ?

— Cela ne me, regarde pas, ce que vous avez fait, vous l’avez fait pour vous.

— Vous ne m’aimez pas ?

— Non.

— Et moi je vous aime comme un fou.

— Tant pis pour vous, dis-je en souriant et en me laissant prendre les mains.

— Non, écoutez, dit-il, parlons sérieusement ; vous n’êtes jamais sérieuse. Je vous aime ! j’ai parlé à ma mère… Soyez ma femme, dit-il.

Enfin ! m’écriai-je intérieurement, et je ne répondis rien.

— Eh bien ? demanda-t-il.

— Bien, répondis-je en souriant.

— Vous savez, dit-il encouragé, il faut mettre quelqu’un là-dedans.

— Comment ?

— Oui ; je ne peux pas faire moi-même ; il faut que quelqu’un s’en charge, un homme posé, respectable, sérieux, qui parle à mon père, qui arrange tout, en un mot. Qui ?

— Visconti, dis-je en riant.

— Oui, dit-il très sérieux. J’ai pensé à Visconti, c’est l’homme qu’il faut. Il est si vieux qu’il n’est plus bon qu’à faire les Mercure… Seulement, reprit-il, je ne suis pas riche, pas riche du tout. Ah ! je voudrais bien être bossu et posséder des millions.

— Vous n’y gagneriez rien auprès de moi.

— Oh ! oh ! oh !

— Je crois que voilà une insulte, dis-je en me levant.