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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

— Il faut croire, dis-je en lui prenant la main, il faut se corriger, et il faut être bon.

— C’est impossible, et tel que je suis personne ne peut m’aimer, n’est-ce pas ?

— Hum ! hum !

Je suis bien malheureux. Vous ne vous ferez jamais une idée de ma position. En apparence je suis bien avec les miens, mais ce n’est qu’en apparence ; je les déteste tous, mon père, mes frères, ma mère même ; je suis malheureux. Et qu’on me demande pourquoi ? je ne le sais pas… Ô les prêtres ! s’écria-t-il en serrant les poings et les dents et levant au ciel une figure hideuse de haine. Les prêtres, oh ! si vous saviez ce que c’est !  !  !

Il fut cinq minutes à se calmer.

— Je vous aime pourtant, et vous seule. Quand je suis avec vous, je suis heureux.

— Une preuve.

— Dites.

— Venez à Nice.

— Vous me mettez hors de moi en me disant cela ; vous savez bien que je ne peux pas.

— Pourquoi ?

— Parce que mon père ne veut pas me donner d’argent, parce que mon père ne veut pas que j’aille à Nice.

— Je comprends bien, mais si vous dites pourquoi vous y allez ?

— Il ne voudra pas. J’ai parlé à ma mère ; elle ne me croit pas. On est si habitué à ma mauvaise conduite qu’on ne me croit plus.

— Il faut vous corriger, il faut venir à Nice.

— Mais puisque je serai refusé, comme vous dites.

— Je n’ai pas dit refusé par moi.