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JOURNAL

Il nous a fait beaucoup rire en racontant son séjour au couvent. Il avait consenti, dit-il, à y entrer pour quatre jours et, une fois là, on l’y a retenu pendant dix-sept jours.

— Pourquoi donc avez-vous menti, pourquoi avez-vous dit que vous aviez été à Terracina ?

— Parce que j’avais honte de dire la vérité.

— Et les amis du Club le savent ?

— Oui. Au commencement je disais que j’avais été à Terracina, puis on m’a parlé du couvent et j’ai fini par tout raconter, et j’ai ri, et tout le monde a ri. Torlonia a été furieux.

— Pourquoi ?

— Parce que je ne lui ai pas tout dit d’abord. Parce que je n’ai pas eu confiance en lui.

Ensuite, il raconte comment, pour plaire à son père, il faisait semblant de laisser tomber par hasard un chapelet de sa poche, pour faire croire qu’il en portait toujours un sur lui. Je l’accablai de moqueries et d’impertinences auxquelles il répondit très bien, ma foi.


Samedi 13 mai. — Je ne déguise ni mes sentiments, ni ma pensée, et je n’ai pas la force de rien supporter avec dignité, car j’ai pleuré. Et tout en écrivant j’entends le bruit que font mes larmes en tombant sur le papier, de grosses larmes qui coulent sans difficulté et sans grimace de la part de ma figure. Je m’étais couchée sur le dos pour les faire rentrer en dedans, mais ça n’a pas réussi.

Au lieu de dire ce qui me fait pleurer, je raconte comment je pleure ! Et comment puis-je dire pourquoi ? Je ne me rends compte de rien. — Comment, me disais-je, la tête renversée sur le canapé ; comment, c’est ainsi ? Il a donc oublié ? Sans doute, puisqu’il a mené