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JOURNAL

— Allons, adieu, monsieur !

Et, sans lui donner la main, je montais en wagon, où était déjà tout notre monde.

— Vous ne m’avez pas serré la main, dit A… en s’approchant.

Je lui tendis la main.

— Je vous aime ! dit-il, fort pâle.

— Au revoir ! dis-je doucement.

— Pensez quelquefois à moi, dit-il en pâlissant davantage ; quant à moi, je ne ferai que penser à vous.

— Oui, monsieur ; au revoir !

Le train se mit en mouvement et pendant quelques instants encore je pus le voir, me regardant d’un air si ému qu’il en paraissait indifférent ; puis il fit quelques pas vers la porte, mais, comme j’étais toujours visible, il s’arrêta de nouveau comme un automate, enfonça le chapeau sur les yeux, fit encore un pas en avant… puis, puis nous étions déjà trop loin pour voir.

J’aurais été désolée de quitter Rome, à laquelle je suis si habituée, si je n’avais eu une idée en voyant la nouvelle lune, vers quatre heures.

— Tu vois ce croissant ? demandai-je à Dina.

— Oui, répondit-elle.

— Eh bien, ce croissant deviendra une très belle lune dans onze ou douze jours.

— Sans doute.

— As-tu vu le Colisée au clair de lune ?

— Oui.

— Et moi, je ne l’ai pas vu.

— Je sais.

— Mais tu ne sais peut-être pas que j’ai envie de le voir.

— C’est possible.

— Oui, ce qui fait que dans dix ou douze jours, je