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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

mathématiquement, et certaines choses, pour être sous-entendues, n’en sont pas moins très visibles et vous vous êtes moquée de moi.

— Ce n’est pas vrai.

— Vous m’aimez ?

— Oui, et écoutez ceci. Je n’ai pas l’habitude de répéter deux fois. Je veux être crue tout de suite. Je n’ai jamais dit à aucun homme ce que je vous dis à vous. Je suis très offensée, car mes paroles, au lieu d’être reçues comme une faveur, sont reçues très légèrement et sont commentées. Et vous osez douter de ce que je dis ! Vraiment, monsieur, vous me poussez à bout.

Il fut confus et s’excusa ; nous ne parlions presque plus.

— Vous m’écrirez ? demanda-t-il.

— Non, monsieur, je ne le puis pas, mais je vous permets de m’écrire.

— Ah ! ah ! le joli amour ! s’écria-t-il.

— Monsieur, dis-je gravement, ne demandez pas trop. C’est une bien grande faveur lorsqu’une jeune fille permet qu’on lui écrive. Si vous ne le savez pas, je vous l’apprends. Mais nous allons monter en voiture, ne perdons pas notre temps en vaine discussion. Vous m’écrirez ?

— Oui, et vous avez beau dire, je sens que je vous aime comme je n’aimerai jamais. Vous m’aimez ?

Je fis oui de la tête.

— Vous m’aimerez toujours ?

Même signe.

— Allons, au revoir, monsieur.

— À quand ?

— À l’année prochaine.

— Non !