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JOURNAL

Et alors nous partirons ensemble Je vous aime, je vous aime ! répétait-il en tombant à genoux.

— Vous êtes heureux ? demandai-je en pressant sa tête dans mes mains.

— Oh ! oui ! parce que je crois en vous, je crois en votre parole.

— Venez à Nice à présent, dis-je.

— Ah ! si je pouvais !

— On peut tout ce qu’on veut.


Jeudi 27 avril. — Mon Dieu, vous qui avez été si bon jusqu’à présent, tirez-moi de là, par grâce !

Et Dieu m’a tirée de là.

À la gare, je me mis à marcher de long en large avec le Cardinalino.

— Je vous aime ! s’est-il écrié, et je vous aimerai toujours, pour mon malheur, peut-être.

— Et vous me voyez partir, et cela vous est égal ?

— Oh ! ne dites pas cela !… Vous ne pouvez pas parler ainsi, vous ne savez pas ce que j’ai souffert. D’ailleurs, je savais où vous étiez et ce que vous faisiez. Depuis que je vous ai vue, j’ai complètement changé, regardez bien ; mais vous m’avez toujours traité en canaille. Si j’ai fait des bêtises dans ma vie, chacun en fait, ce n’est pas une raison pour me croire un vaurien, un écervelé. Pour vous, j’ai brisé avec le passé ; pour vous, j’ai tout subi ; pour vous, j’ai fait cette paix avec ma famille.

— Pas pour moi, monsieur, je ne vois pas ce que j’ai à faire dans cette paix.

— Ah ! ç’a été parce que j’ai pensé à vous sérieusement.

— Comment ?

— Vous voulez toujours qu’on s’exprime en détail et