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JOURNAL

ainsi. Alors le vieux bonhomme m’a dit de copier la vue de la fenêtre, tout bonnement, d’après nature. À ce moment nous avions quitté l’hôtel de la Couronne pour loger dans une pension de famille, et le mont Blanc était en face de nous. J’ai donc copié scrupuleusement ce que je voyais de Genève et du lac, et ça en est resté là, je ne sais plus pourquoi. À Bade on avait eu le temps de faire faire nos portraits d’après des photographies, et ces portraits m’ont paru laids et léchés dans leur effort d’être jolis…

Quand je serai morte, on lira ma vie que je trouve, moi, très remarquable. (Il n’aurait plus manqué qu’il en fût autrement !) Mais je hais les préfaces (elles m’ont empêchée de lire une quantité de livres excellents) et les avertissements des éditeurs. Aussi, j’ai voulu faire ma préface moi-même. On aurait pu s’en passer, si je publiais tout ; mais je me borne à me prendre à douze ans, ce qui précède est trop long. Je vous donne, du reste, des aperçus suffisants dans le courant de ce journal. Je reviens en arrière souvent à propos de n’importe quoi.

Si j’allais mourir comme cela, subitement, prise d’une maladie !… Je ne saurai peut-être pas si je suis en danger ; on me le cachera, et, après ma mort, on fouillera dans mes tiroirs ; on trouvera mon journal, ma famille le détruira après l’avoir lu et il ne restera bientôt plus rien de moi, rien… rien… rien !… C’est