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JOURNAL

Ce n’est pas de cela que je m’inquiète, mais de l’incertitude présente, de ce coup imprévu, inattendu.

Je marche dans ma chambre en gémissant doucement comme un loup blessé.

J’ai encore la branche de lierre qu’il m’a donnée au Capitole. Quelle tristesse !

Je ne sais vraiment ce que j’ai ; c’est sans doute ridicule, mais c’est ainsi.

D’ailleurs, il est bête de s’indigner, de prier, de pleurer ! N’est-ce pas, toujours, en tout, ainsi ? Je devrais y être habituée et ne plus fatiguer le Ciel par mes lamentations inutiles.

Je ne sais que penser de lui. Mauvais sujet, lâche, ou bien enfant tyrannisé ?

Je suis excessivement calme, mais triste. — Il ne s’agit que de se placer d’une certaine façon, dit maman, pour trouver que dans ce monde rien ne vaut la peine.

Je suis parfaitement d’accord avec madame ma mère, mais, pour l’être encore plus parfaitement, il faut savoir au juste. Tout ce que je sais, c’est que c’est une bizarre aventure.


Mercredi 12 avril. — Toute cette nuit je l’ai vu en rêve ; il m’assurait qu’il avait vraiment été au couvent.

On emballe, nous partons ce soir pour Naples. Je déteste partir !

Quand donc aurai-je le bonheur de vivre chez moi, toujours dans la même ville ? Voir toujours la même société et faire de temps en temps des voyages pour me rafraîchir.

C’est à Rome que je voudrais vivre, aimer et mourir.