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JOURNAL

J’ai toujours une peine incroyable à penser qu’un homme qui me plaît peut ne pas m’aimer.

Pietro n’est pas venu, c’est ce soir seulement qu’il sort du couvent. J’ai vu son clérical et hypocrite frère : Paul A… Voilà un être à écraser, petit, noir, jaune, vil, hypocrite, jésuite !

Si l’affaire du couvent est vraie, il doit la savoir, et comme il doit en rire de son petit air fermé, comme il doit la raconter à ses amis ! Pierre et Paul ne peuvent pas se souffrir.


Dimanche 9 avril. — Avec une foi fervente, un cœur ému et une âme bien disposée, je me suis confessée et j’ai communié. Maman et Dina aussi, puis nous avons entendu la messe, j’ai écouté chaque parole et j’ai prié.

N’est-ce pas enrageant d’être soumise à un pouvoir inconnu et incontestable ? Je veux parler du pouvoir qui a enlevé Pietro. Qu’y a-t-il d’impossible au Cardinal quand il s’agit d’ordonner aux gens d’Église ! Le pouvoir des prêtres est immense, il n’est pas donné de pouvoir pénétrer leurs mystérieuses machinations.

On s’étonne, on a peur et on admire ! Il n’y a qu’à lire l’histoire des peuples pour voir leurs mains dans tous les événements. Leurs vues sont si longues qu’elles se perdent dans le vague pour des yeux peu exercés.

Depuis le commencement du monde, dans tous les pays, la suprême puissance leur appartenait, ostensiblement ou dissimulée.

Non, écoutez, ce serait trop fort, si comme cela, tout d’un coup, on nous enlevait Pietro pour toujours ! Il ne peut pas ne pas revenir à Rome, il avait tellement dit qu’il reviendrait !