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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

mère vint lui dire que son père payerait les dettes, à condition qu’il mènerait une vie sage : « Et pour commencer et avant de te réconcilier avec tes parents, tu dois te réconcilier avec Dieu. » II ne s’est pas confessé depuis longtemps.

En un mot, il va se retirer pour huit jours dans le couvent de San Giovanni et Paolo, Monte Celio, près du Colisée.

J’eus assez de peine à rester sérieuse, je vous assure ; pour nous, cela semble baroque, mais c’est tout naturel pour les catholiques de Rome.

Voilà donc le secret.

Je m’appuyais à la cheminée et à la chaise en détournant les yeux, qui étaient, le diable sait pourquoi, pleins de larmes. Il s’appuyait à côté de moi, et nous sommes restés quelques secondes sans parler et sans nous regarder. Nous sommes restés une heure debout, à parler, de quoi ? d’amour sans doute. Je sais tout ce que je voulais savoir, j’ai tout tiré de lui :

Il n’a pas parlé à son père, mais il a tout dit à sa mère ; il m’a nommée.

— D’ailleurs, dit-il, vous pouvez être sûre, mademoiselle, que mes parents n’ont rien contre vous ; il n’y a que la religion.

— Je sais bien qu’ils ne peuvent avoir rien contre moi, car si je consentais à vous épouser, c’est vous qui seriez honoré et non pas moi.

J’ai soin de me montrer sévère, prude, comme je le suis, et d’exposer des principes de morale d’une pureté abracadabrante, pour qu’il raconte tout à sa mère, puisqu’il lui dit tout.

Il ne m’a jamais parlé comme ce soir.

— Je vous aime, je vous adore, je suis fou, disait-il fort bas et fort vite. M’aimez-vous un peu ? dites !