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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Je dis que j’ai mangé des violettes, et Plowden et Cardinalino m’en demandent et j’en donne de mon bouquet et ils en mangent comme deux ânes.

A… a fini par manger les fils de soie que je tirais de ma frange.

A… est un charmant enfant, ses boutades m’enchantent ; par exemple, il apporte des cartes et me prie de jouer.

Plouden demande aussi à jouer.

— Mais on ne peut pas ! s’écrie le fougueux fils de prêtre, en ouvrant de grands yeux.

— Si, si, si, dis-je, on peut jouer à trois, c’est la même chose.

— La même chose ! dit-il, en me regardant comme on l’avait piqué avec une épingle.

J’ai, tout en écrivant, sa voix dans les oreilles ; j’en suis très amoureuse. Je le dis, tout naturellement comme je le sens. Quand il s’en va, je suis fâchée, je n’en ai jamais assez. C’est absurde de s’amouracher des gens, comme moi !

— Au moins, pour tourmenter Pietro, dit Dina, sois bonne avec B…

— Tourmenter ! je n’en ai nulle envie. Tourmenter, exciter la jalousie, fi ! En amour, cela ressemble au fard que l’on se met sur le visage. C’est vulgaire, c’est bas. On peut tourmenter involontairement, naturellement pour ainsi dire, mais, le faire exprès, fi !!

D’ailleurs, je ne peux pas le faire exprès, je n’ai pas assez de caractère. Est-ce possible d’aller parler et faire l’aimable avec un monstre quelconque, quand le Cardinalino est là et qu’on peut lui parler ?