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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

nai vers maman, qui tendait la main à quelqu’un… à Pietro A…

— Ah ! à la bonne heure. Tu es venu sur mon balcon, ce n’est pas malheureux.

Il reste un temps de politesse près de ma mère et après il se met à côté de moi.

J’occupe, comme toujours, l’extrême droite du balcon qui touche, comme on sait, celui de l’Anglaise. B… est en retard ; sa place est prise par un Anglais, que l’Anglaise me présente et qui se montre très empressé.

— Mais, quelle vie faites-vous ? dit A… de son air calme et doux. Vous n’allez plus au théâtre ?

— J’étais malade, j’ai encore mal au doigt.

— Où ? (et il voulut me prendre la main). Vous savez, je suis allé chaque soir à l’Apollo et je n’y suis resté que cinq minutes.

— Pourquoi ?

— Pourquoi ? répéta-t-il, en me regardant droit dans les prunelles.

— Oui, pourquoi ?

— Parce que j’y allais pour vous et que vous n’y étiez pas.

Il me dit encore bien des choses dans ce genre, roule ses yeux, se démène et m’amuse beaucoup.

— Donnez-moi une rose ?

— Pourquoi faire ?

Convenez avec moi que je faisais là une question embarrassante. J’aime à faire des questions auxquelles on doit répondre bêtement ou pas du tout.

— Regardez donc ce tube, dis-je en désignant un affreux animal, en long surtout, en grand chapeau. Si vous pouviez l’aplatir, je vous donnerais une rose.

Dès lors, ce fut un spectacle des dieux. A… et Plouden s’escrimèrent de leur mieux à jeter de vieux