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JOURNAL

mère à Rossi, parce qu’il me rappelle beaucoup mon fils.

— C’est un charmant garçon, dit Rossi ; il est un peu passerello, il est très gai et plein d’esprit et très beau.

Je suis ravie en entendant cela. Depuis longtemps, je n’ai eu autant de plaisir que ce soir.

Je m’ennuyais, je n’avais envie de rien, parce que je n’avais à qui penser. De ce soir tout change, je me remue.

— Il ressemble beaucoup à mon fils, dit ma mère.

— C’est un charmant garçon, dit Rossi, et, si vous voulez, je vous le présenterai, je serai charmé.


Vendredi 18 février. — Au Capitole, ce soir, il y a un grand bal paré, costumé et masqué. À onze heures nous y allons, moi, Dina et sa mère. Je n’ai pas mis de domino ; une robe de soie noire à longue queue, corsage collant, une tunique de gaze noire garnie de dentelle d’argent, drapée devant et retroussée derrière, de façon à former le plus gracieux capuchon du monde, un masque de velours noir et dentelle noire, des gants clairs et une rose et du muguet au corsage. C’était ravissant. Aussi notre entrée produit un immense effet.

J’avais très peur et n’osais parler à personne, mais tous les hommes nous ont entourées, et j’ai fini par prendre le bras de l’un d’eux que je n’ai jamais vu. C’est très amusant, mais je crois que la plupart du monde m’a reconnue. Il fallait mettre moins de coquetterie dans ma toilette, n’importe.

Trois Russes ont cru me reconnaître, et allaient derrière, nous, parlant haut le russe, espérant que nous nous trahirions ; mais au lieu de cela, je fis faire cercle autour de moi et parlai italien, Ils s’en allèrent,