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LE CARNAVAL DE ROSPORDEN.


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ARGUMENT.


Les fêtes du carnaval étaient prohibées dès le cinquième siècle. Le concile de Tours punit de peines très-sévères, que les divers statuts synodaux de l’Église de Bretagne ont fait revivre, ceux qui prennent part à ses orgies. Les prédicateurs bretons citent, pour en détourner, mille faits épouvantables. Ils racontent qu’un jeune homme ne put parvenir à arracher son masque, et qu’il le porta toute sa vie collé sur son visage ; qu’un autre ne put se dépouiller d’une peau de taureau dont il s’était revêtu, fut changé en bête, et revenait la nuit rôder et mugir autour de sa demeure ; qu’un troisième fut puni d’une manière plus épouvantable encore. La ballade dont son histoire fait le sujet fut chantée, dit-on, pour la première fois, par un révérend père capucin qui arrivait de Rosporden, et prêchait un soir dans la cathédrale de Quimper. Il venait de tonner contre les plaisirs du carnaval avec une telle véhémence, et s’était exalté a un tel point, qu’il était retombé dans son fauteuil, la tête dans les deux mains, épuisé de lassitude. Tout à coup il se dresse de toute sa hauteur ; les lumières s’éteignent comme d’elles-mêmes ; la petite lampe du sanctuaire reste seule allumée. La foule, un moment immobile, lève les yeux vers lui, et, au milieu des ténèbres et du silence général, il chante ce qu’on va lire.