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LE SIÉGE DE GUINGAMP.


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ARGUMENT.


La Bretagne, en l’année 1488, était tombée dans le plus déplorable état : attaquée au dehors, divisée au dedans, trahie par quelques-uns des siens, réduite à créer une monnaie de cuir marquée d’un point d’or, pour remédier à la ruine de ses finances, et sans autre chef qu’une enfant. Mais toute vaincue et misérable qu’elle était, elle pouvait se relever, car, bien que gouvernée, depuis plusieurs siècles, par des princes de race étrangère, elle n’était pas encore tombée sous l’autorité immédiate des rois de France, et elle les repoussait toujours. A la tête des déserteurs de la cause nationale se trouvait le vicomte de Rohan ; il vint assiéger Guingamp, en qualité de lieutenant général des armées du roi en Bretagne.

« Mais, dit d’Argentré, les habitants de Guingamp firent response que de mettre la ville ny autres villes entre ses mains, ils ne devoient le faire, ne devant ignorer ledit seigneur qu’elles ne fussent à la Duchesse, à laquelle du vivant du feu Duc son père et depuis son décès, ils avoient fait serment de les garder ; par ainsi le prioient de les tenir pour excusés de faire autre response jusques à savoir l’intention de la Duchesse. »

Rolland Gouiket, ou Gouyquet, commandait dans la ville ; la garnison était peu nombreuse : il arma tous les jeunes gens, les posta dans le fort Saint-Léonard, au faubourg de Tréguier, et le premier assaut des Français fut repoussé vigoureusement. Le lendemain ils revinrent a la charge, battirent le fort en brèche, et s’emparèrent des faubourgs. Gouiket fit une sortie et les repoussa encore. Le troisième jour, le vicomte de Rohan donne l’assaut à la ville même ; Gouiket est blessé sur la brèche ; on l’emporte : sa femme le remplace, fait un massacre horrible des Français, et les force à demander une suspension d’armes. Le vicomte de Rohan profite du sursis, prend la ville par trahison et la livre au pillage. Mais il n’en jouit pas longtemps ; Gouiket, à peine guéri de sa blessure, s’étant annoncé avec un renfort considérable, les Français prirent l’alarme et abandonnèrent la ville. Cet événement historique est le sujet d’un chant populaire très-répandu ; j’en dois une copie à l’obligeance de madame de Saint-Prix.