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pour le délivrer, le voile sanglant exposé aux regards de ses compatriotes, comme autrefois la vue de la robe ensanglantée des onze druides fugitifs, produira sur eux le même effet, et malheur encore à l’ennemi[1] !

Néanmoins plus de haines nationales violentes et tenaces ; elles s’effacent de jour en jour à mesure que la religion épur et adoucit les mœurs du Breton. La religion le dispose même à contracter volontairement une alliance honorable qu’il repoussait forcée. L’union a lieu, et il en goûte les fruits, pendant cent ans de paix, sous la sauvegarde d’un pacte solennel qui lui maintient sa constitution particulière et ses chères libertés nationales. Leur conservation est en effet l’invariable objet de son unique sollicitude ; il les a fait respecter pendant mille ans de tous ses princes, il veut les défendre jusqu’à la mort contre ses nouveaux maîtres, car il a toujours eu horreur de la servitude en voyant de quelle manière elle régnait chez ses voisins[2]. Du reste, si sa défiance naturelle s’alarme du moindre danger, ce n’est pas sans raison : l’union est depuis longtemps consommée, et, victime des querelles religieuses de la nation à laquelle son sort est uni, il faut qu’il se lève pour défendre ses autels et ses foyers contre ses terribles alliés « qui ravagent la Bretagne, pire qu’un incendie ; » il crie à la trahison, il appelle contre eux la vengeance du ciel ; il chante en allant les combattre : « Jamais, non jamais, la génisse ne s’alliera au loup[3] ! »

Bientôt nouvelle violation du pacte d’union et nouvelles plaintes de sa part ; mais on ne tient plus aucun compte de ses réclamations, car on est le plus fort. Il résiste : on l’accuse de pousser le patriotisme jusqu’à la fureur ; on le traite comme un rebelle ; on le livre à une cour martiale ; on l’interroge avec dédain, on veut qu’il avoue lâchement qu’il a commis un crime ; il répond aux juges vendus : « J’ai fait mon devoir, faites votre métier[4] » Puis il porte sur l’échafaud sa tête rayonnante, et

  1. T. II, p. 45.
  2. T. I, p. 378.
  3. T. II p. 89.
  4. Ibid., p. 151.