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plus en plus humain. Son âge héroïque est près de finir, son âge historique va commencer.

La première phase est marquée par une éclatante action qui tient à l’un et à l'autre, et qui nous le montre invariable dans son amour des lois, son indépendance, sa bravoure, son attachement aux fils des anciens chefs de race, et aussi dans son antipathie violente pour les étrangers. Ceux-ci, « vipères écloses au nid de la colombe[1], » sont venus habiter ses villes ; ils l’oppriment, ils violent ses coutumes nationales ; les ombres de ses ancêtres en frémissent d’indignation, leurs ossements gardés dans les reliquaires du pays retrouvent, pour un instant, la vie par miracle ; ils s’avancent, comme une armée, au-devant du ministre des iniquités étrangères, et dans leur sublime fureur ils mettent en pièces l’ennemi de leur petit-fils[2]. Mais lui, formé par l’âge, veut agir avec modération, et, s’il est possible, prévenir la guerre. On ne l’écoute pas, on l'insulte, ou veut le tuer ; alors sa fierté naturelle se révolte, il appelle, comme jadis ses pères, l’incendie à son aide, et va mettre le feu aux villes des violateurs de ses lois. Un seul homme conserve assez d’influence sur lui pour l’arrêter, c’est un évêque de sa race, de sa langue, « du sang des vieux rois de Bretagne, et qui maintient les bonnes coutumes du pays. » Au premier mot de cette puissance religieuse, il jette la torche qu’il tenait à la main, et se laisse égorger[3].

Il est opprimé de la même manière à la cour des suzerains de son pays, quand le son l’y conduit ; mais en lui déniant justice, les rois ne rendent que plus suave le parfum de ses vertus modestes, comme le pied brutal, en écrasant la fleur des bois, lui fait exhaler ses plus douces senteurs. Agenouillé sur l’échafaud qu’il honore : « Peu lui importerait, dit-il, de mourir, n’était loin de la patrie ! » Mais si sa tête tombe coupée ; si son sang rougit le voile de celle patrie bien-aimée accourue

  1. T. II, p. 23.
  2. Ibid., p. 24.
  3. Ibid., p. 29.