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du vin rouge, versera bientôt du sang gras ; plus d’un fera de la cendre, qui fait maintenant le fanfaron[1] » Et quand l’événement a réalisé cette prédiction terrible, le lendemain, au lever de l’aurore, accoudé à une fenêtre, et voyant les ennemis et leurs tentes consumés par les flammes qu’il a allumées, il s’écrie avec une joie féroce : « Nous aurons une belle récolte. « Les anciens disaient vrai : « Il n’est rien tel que des os d’ennemis broyés pour faire pousser le blé. » Sans frein, dans ses amours comme il l’est dans ses haines, alors même qu’il maudit les étrangers qui l’attaquent, il bénit ceux d’entre eux qui se sont faits Bretons pour le défendre ; il les sert fidèlement par le même esprit de dévouement qu’il avait pour ses anciens chefs de tribu, dût-il les chasser, s’il les voit violer la loi du pays, et les rappeler, s’il a de nouveau besoin d’eux[2]. Toujours un mobile unique le dirige : le plus ardent patriotisme. Mais comme si le cœur de l’homme ne suffisait pas à célébrer les espérances de la patrie, espérances souvent déçues, jamais abandonnées, au premier rayon qu’il voit luire, il appelle à son aide les oiseaux du ciel, la voix des montagnes, les hennissements joyeux de la blanche cavale (la mer), le carillon des cloches, le soleil de l’été, et jusqu’aux loups des bois du pays qu’il croit entendre hurler et grincer des dents de bonheur en sentant venir les ennemis dont l’égoût des arbres, en guise d’eau bénite, arrosera, dit-il, la tombe[3]. Toujours aussi, toujours il s’arme de constance, d’opiniâtreté, de haine implacable ; toujours sa foi nationale s’unit à sa foi religieuse : « Tenons bon, Bretons ! tenons bon ! Ni merci ni trêve ! Sang pour sang ! Noire-Dame de Bretagne, viens au secours de ton pays! » Cependant, on le voit, le guerrier s’humanise ; il ne veut plus de sang pour des larmes[4] il demande du sang pour du sang. Désormais nous sentirons son cœur battre, de

  1. T. I, p. 319 et suiv.
  2. Ibid., p. 385 et suiv.
  3. Ibid., p. 385 et suiv.
  4. Ibid., p. 87.