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l’homme est un être enseigné : la semence morale déposée dans sa jeune âme n’y meurt point ; elle s’y développe, au contraire, elle fructifie, et l’on peut encore, après bien des siècles, juger de la semence par les fruits. L’expérience le prouve, et le sujet qui nous occupe confirme les observations de l’expérience.

L’enseignement que le prêtre païen donne à son élève est sérieux, grave, sombre, et, avant tout, religieux. A peine le jeune Breton est né, qu’il voit autour de son berceau, la Mort, la Douleur et la Nécessité, divinités terribles qu’on lui dit d’adorer : soumis à la loi du destin, il les adore ; mais si le maître lui montre la souffrance comme le lot de l'humanité sur la terre, il fait en même temps briller aux yeux de son imagination un royaume enchanté « plein de fruits d’or, de fleurs et de petits enfants qui rient ; » et le cœur du jeune néophyte, fermé pour ce monde terrestre, s’ouvre avec l’espérance pour un monde meilleur.

La même voie fleurie le mène à l’amour du merveilleux ; son instituteur donne un aliment à ce penchant naturel à l’homme en l’entretenant d’un monde mitoyen, peuplé d’esprits mystérieux des deux sexes, les uns nains, composant des breuvages magiques ; les autres naines, dansant avec des fleurs dans les cheveux et des robes blanches, autour des fontaines, à la clarté de la lune. Frappé par ces fraîches images, l’enfant croira donc aux esprits, aux sorciers, aux fées, à l’influence des astres ; il sera superstitieux et crédule.

Passant à un autre ordre d’idées, le maître apprend à son élève qu’un jour des vaisseaux étrangers descendirent sur les rivages de la patrie, qu’ils la dévastèrent ; que les prêtres, pères et chefs du peuple, furent égorgés par eux, hormis un petit nombre qu’on voyait errer, fugitifs, avec des épées brisées, des robes ensanglantées, des béquilles. Et, devant ce tableau plus saisissant encore que celui devant lequel fit serment le jeune Annibal, l’enfant va jurer haine à