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LE LÉPREUX.


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ARGUMENT.


La lèpre parut en Bretagne vers la fin du douzième siècle ; tous ceux qu’elle frappait étaient retranchés de la compagnie des hommes ; on les renfermait dans des villes particulières : ils avaient leurs prêtres, leurs églises, leur cimetière, et formaient au milieu du monde une société à part, dont la douleur était le partage, et l’horreur la sauvegarde. Plus tard, quand le mal devint moins commun, on permit aux malades d’habiter à la porte des villes, d’y faire le commerce de fil et de chanvre et le métier de cordier ; mais on leur assigna des demeures à l’écart.

Dès que les premiers symptômes du mal se manifestaient, on se rendait processionnellement chez le lépreux, comme s’il eût été réellement mort.

Un ecclésiastique, en surplis et en étole, lui adressait quelques paroles de consolation, l’exhortait à se résigner à la volonté de Dieu, le dépouillait de ses vêtements pour le revêtir d’une casaque noire, l’aspergeait d’eau bénite, et le conduisait à l’église.

Le chœur était tendu de noir comme pour les enterrements ; le prêtre, revêtu d’ornements de même couleur, montait à l’autel ; le malade entendait la messe à genoux entre deux tréteaux, couvert du drap mortuaire, à la lueur des cierges funèbres.

Après l’office, le prêtre l’aspergeait de nouveau d’eau bénite, chantait le Libera, et le menait à la demeure qu’on lui destinait, qui avait pour meubles un lit, un bahut, une table, une chaise, une cruche, et une petite lampe. On donnait en outre au malade un capuchon, une robe, une housse, un barillet, un