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LE TEMPS PASSÉ.


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ARGUMENT.


Les regrets patriotiques que nourrissent encore les plus énergiques des Bretons modernes, principalement parmi le peuple des montagnes, ne se traduisent plus guère aujourd’hui qu’en rustiques effusions ; l’esprit national qui portait les pères à la révolte ne fait plus insurger les fils, mais il les maintient dans une sorte d’opposition contre le présent. Il ne s’est pas encore allié chez les paysans, comme chez les Bretons des classes supérieures, aux idées larges et élevées qu’ont partout éveillées les progrès de la haute civilisation. Le flambeau de ces idées n’éclaire pas encore d’un jour vrai, pour les montagnards, les ruines croulantes d’un passé qu’ils apprécient moins bien que leurs compatriotes instruits, en les aimant autant : grâce aux bienfaits d’une instruction donnée avec intelligence, discernement et patriotisme, et adaptée à leur idiome, à leurs croyances et à leurs mœurs, ils pourraient bientôt allier eux-mêmes les lumières aux sentiments. En attendant cette union désirable,ils conservent une partie des idées nationales de leurs ancêtres, moins toutefois l’espoir de les réaliser. Les hommes qui ont assez vécu pour assister aux dernières luttes des libertés bretonnes contre l’autorité royale; ceux qui ont défenilu leurs autels et leur foyer contre la tyrannie révolutionnaire ; ceux qui ont résisté au despotisme impérial ; ceux dont les ministres de la Restauration ont payé le sacrifice par l’ingratitude, et la fidélité par la plus odieuse défiance, en arrachant de leurs mains des armes rougies d’un sang versé pour la royauté : cette masse de mécontents, trompée dans ses espérances, et qu’impatiente le joug nouveau de la loi générale, etretient dans le cœur du paysan des montagnes, par les récits traditionnels, par les conversations journalières et par les chants nationaux, le vieil esprit patriotique.

J’ai eu occasion de voir par moi-même, il y a peu d’années, quel enthousiasme donne au peuple, comme le remarque un ancien auteur, le souvenir de l’indépendance primitive.