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services, voilà donc ma récompense ! J’ai de moi-même exposé ma tête mille fois pour le roi, et il me la fait couper aujourd’hui sur un échafaud ! »

Pendant que les condamnés marchaient au supplice, le courage et la jeunesse de Pontcalec faisaient pleurer la foule. « Comme nous allions vers le Bouflay, continue le moine, les gémissements et les cris du peuple me donnèrent occasion de lui dire : « Ou plaint votre sort, et on ne plaignit pas celui de Jésus-Christ. — Ah ! quelle différence entre lui et moi ! » Et il répéta plusieurs fois avec de bien pieux sentiments : « Pater, fiat voluntas tua. » La vue de l’échafaud ne lui ôta rien de sa fermeté. Malgré les instances de son confesseur, qui aurait voulu lui faire détourner les yeux, il regardait toujours l’instrument de mort, et disait : « Quel spectacle ! mon père, quel spectacle ! » Il devait y monter le dernier. Arrivés au pied de l’échafaud, les quatre amis se dirent au revoir et s’embrassèrent. Montlouis reçut le premier le coup de la mort ; avant de mourir, il s’agenouilla auprès du poteau et récita tout haut une prière à la sainte Vierge. « Le son de sa voix était fort, » remarque le moine. Quand l’exécuteur vint inviter M. de Talhouet à monter à son tour, poursuit le même religieux, il me dit d’un air qui marquait également la tendresse et la franchise : « Allons, mon père ! » puis aux assistants : « Priez Dieu pour moi ! » J’en vis plusieurs ôter leurs chapeaux et répondre en se mettant à genoux : « Oui, nous le ferons. » Comme je descendais de l’échafaud, on m’avertit que j’avais le visage et la chape tout couverts de sang. »

Le tour de Pontcalec étant venu, il dit à son confesseur : « Je pardonne de bon coeur à tous ceux qui me font mourir, » Puis il ajouta en souriant : « Voilà un compliment bien triste. » En penchant la tête sur le billot fatal, il répéta plusieurs fois : Cor contritum et humiliatum, Deus, non despicies. Je l’entendis aussi, continue le religieux, prononcer à haute voix Jesus, Maria. Ses dernières paroles furent celle-ci : « Mon Dieu, je remets mon âme entre vos mains ! »

Après l’exécution, le bourreau, escorté par une troupe d’archers à cheval (car ou avait déployé un grand appareil militaire, dans la crainte d’un soulèvement), emmena dans une charrette les quatre corps décapités ; l’autorité supérieure ordonna qu’ils fussent secrètement enterrés, sans son de cloche ni chant d’église.