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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


Voilà ce qui se chantait en Bretagne, tandis que le jeune marquis, « sortant de l’Académie, » dansait devant Louis XIV ces passe-pieds merveilleux qui ravissaient madame de Sévigné, « ces passe-pieds bas bretons, au prix desquels les violons et passe-pieds de la cour faisaient mal au cœur[1]. » Un paysan nommé Tugdual Salaün, de la paroisse de Plouber, qui assistait à la fatale Aire-Neuve, composa la chanson. Elle passa de Tréguier en Cornouaille et de Cornouaille en Léon dont j’ai suivi le dialecte. Il parait que le jeune clerc ne mourut pas sous le coup, comme semble l’indiquer l’auteur ; car le marquis ne fut condamné, dit-on, qu’à l’amende civile, conformément à la coutume de Bretagne. Cependant la bonne dame de Névet ne se regarda point comme libérée envers les parents du défunt ; elle fit à la mère du jeune homme une pension annuelle, et prit chez elle son second enfant, qu’elle se chargea d’élever et qu’elle établit avantageusement. Quant au marquis, la jeunesse passée, il devint aussi régulier dans ses mœurs qu’il avait été débauché. On montrait encore, il y a peu d’années, les ruines d’un hôpital fondé par lui pour les pauvres, près de son château ; la tradition raconte que l’on voyait briller, chaque soir, bien avant dans la nuit, une petite lumière à une des fenêtre de cet hôpital, et que si le voyageur surpris venait à en demander la cause, on lui répondait : « C’est le marquis de Guérand qui veille ; il prie Dieu à genoux de lui pardonner sa jeunesse. »

  1. V. ses Lettres, éd. de M. Blaise, XII, ann, 1671.