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que lui avait enseignés son grand-père, jointes à sa probité personnelle, lui avaient donné dans sa paroisse Une certaine autorité morale ; on venait le consulter : ses avis avaient du poids ; ses jugements étaient en général sanctionnés par l’opinion publique, et ses chants contenaient des enseignements utiles qui se gravaient dans les esprits.

Or il est un vice auquel le paysan breton, habituellement sobre, se livre volontiers aux jours de fête. La destruction de ce vice commun à tous les peuples de race celtique, et qui parait avoir été jadis autorisé par leurs lois religieuses, est devenue, depuis l’établissement du christianisme, l’objet des efforts persévérants non-seulement du clergé, mais des bardes eux-mêmes. Ses épouvantables suites jetèrent la consternation dans la paroisse du poëte : témoin de l’événement, il en fit une ballade « pour l’enseignement de chacun, » comme il nous le dit lui-même ; et son œuvre produisit un effet tellement salutaire, que le nombre des habitués de taverne paraît avoir beaucoup diminué dans le canton qu’il habitait.

Je pourrais citer mille autres exemples de l’utilité pratique de notre poésie populaire. On sait qu’à l’époque où le choléra désolait la Bretagne, les médecins et l’autorité n’obtenant aucun résultat de leurs circulaires imprimées, un vieux libraire mit avec assez de succès en rimes l’exposé des remèdes propres à guérir de la maladie ; ses vers étaient cependant détestables ; les paysans eux-mêmes les jugeaient tels ; « au fond, peu importe, me faisait observer naïvement l’un d’eux, l’essentiel était que le choléra fût chansonné ; il l’est : la chanson fera fuir la peste. » Bizarre superstition, sans doute, mais qui prouve bien quel pouvoir \e peuple attribue à la poésie. De là le proverbe bre-