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qu’un contemporain aurait pu la vêtir ainsi[1] ? Quel autre qu’un contemporain aurait pu savoir que les vainqueurs de la bataille des Trente portaient à leur casque des fleurs de genêt cueillies dans une verte génetaie que l’histoire du temps place auprès du lieu du combat ?

Il est inutile d’insister ; la contemporanéité des auteurs ressort évidente de toutes les pièces héroïques ou historiques de ce recueil. On peut l’ouvrir au hasard : on verra chaque époque y revivre avec son caractère et les couleurs qui lui sont propres. Si le temps et la circulation ont rendu moins saillant le type de certaines médailles poétiques, si les traits sont un peu plus vagues et les contours moins accentués qu’à l’époque où elles furent frappées, la rude main des siècles n’a pu effacer l’empreinte primitive, toujours distincte et saisissable.

Quant aux chansons domestiques, quoiqu’il soit moins facile de déterminer leur date d’une manière précise, les sentiments qu’elles expriment n’ayant point d’âge, elles offrent néanmoins souvent des caractères certains de contemporanéité.

Le fils du lépreux se sent mourir, consumé par le mal affreux qui n’a cessé qu’à la fin du quinzième siècle en Bretagne : tout le monde le fuit, et même celle qu’il aimait.

Le meunier qui chante ses amours avec la belle meunière de Pontaro parle, comme de son seigneur, du jeune baron Hévin de Kymerc’h, que l’histoire fait vivre en 1420.

Les légendes rentrent, comme nous l’avons dit, dans la classe des chants historiques, et ce que nous disons des ballades leur est également applicable.

  1. Pavesca, « Vestis species : mantellum sine penna, et sendato et fresa.» (Ducange, Statuta Massiliensia, ad. ann. 1276.)