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Gallois[1], ils sont l’ornement de toutes les fêtes populaires, ils s’assoient et chantent à la table des fermiers, ils figurent dans les mariages du peuple, ils fiancent les futurs époux en vertu de leur art, selon d’antiques et invariables rites, même avant que la cérémonie religieuse ait eu lieu. Ils ont leur part dans les présents de noces. Ils jouissent d’une liberté illimitée de parole, d’une certaine autorité morale, d’un certain empire sur les esprits ; ils sont aimés, recherchés, honorés, presque autant que l’étaient ceux dont ils mènent à peu près la vie, dans une sphère moins élevée.

De l’histoire sérieuse à la chronique légère, de la chronique au roman d’amour, et de celui-ci au simple narré d’une intrigue amoureuse, ou seulement à l’effusion d’un sentiment vif et personnel, la transition est facile. Nous devons même dire que les chants historiques dont le thème est un événement public ou privé peu important, et les chants domestiques qui offrent quelques traits piquants par leur actualité, rentrent souvent les uns dans les autres.

En ce cas, les derniers sont encore l’œuvre des meuniers, ou, le plus souvent, des tailleurs. Le caractère particulier du tailleur est la causticité et la raillerie ; « son oreille est longue, dit le proverbe breton, son œil nuit et jour ouvert, et sa langue aiguë. » Rien ne lui échappe : il chansonne impartialement tout le monde, disant en vers ce qu’il ne pourrait dire en prose. Cela le fait souvent comparer au barbier breton qui, ayant découvert un jour que son maître avait des oreilles de cheval, comme le roi Midas, s’en alla couper, sur la grève, un roseau dont il fit une flûte, pour répandre en tout lieu la nouvelle. Les

  1. Myvyrian, t. II, p. 537.