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réciter ses prières à la porte, ou dès que la voix de son chien a annoncé sa présence (car il est souvent aveugle et n’a généralement d’autre guide qu’un chien), on va au-devant de lui, on l’introduit dans la maison, on se hâte de le débarrasser de sa besace et de son bâton, on le fait asseoir au coin du feu, dans le fauteuil même du chef de famille, et prendre quelque nourriture. Après s’être reposé, il chante à son hôte une chanson nouvelle, et ne le quitte jamais que le front joyeux et la besace plus lourde. Aux noces, on le trouve à la place d’honneur au banquet des pauvres, où il célèbre l’épousée qui le sert elle-même à table.

Le barz occupe dans l’ordre (qu’on me passe cette expression ambitieuse), un rang plus élevé que les autres chanteurs, il représente assez bien, avec le poëte mendiant, mais moins en laid, il faut en convenir, ces gueux et ces ménestrels vagabonds, ombres des bardes primitifs, à qui Taliésin donnait l’injurieux sobriquet de bardes dégénérés, et auxquels il faisait un crime de vivre sans travail et sans gîte, de servir d’échos à la voix publique, de débiter les nouvelles en vogue parmi le peuple et de courir les fêtes et les assemblées. Aucun des reproches qu’il leur adresse ne serait déplacé dans un sermon de nos missionnaires bretons ; nous en avons entendu plus d’un tenir, à l’égard des chanteurs populaires, un langage peu différent de celui du satirique cambrien.

On pourrait démêler encore, dans les traits de nos barz ambulants, quelques rayons perdus de la splendeur des anciens bardes. Comme eux ils célèbrent les actions et les faits dignes de mémoire ; ils dispensent avec impartialité, à tous, aux grands et aux petits, le blâme et la louange ; comme eux ils sont poëtes et musiciens ; par-