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ou la croyance qui en est le sujet, a jetées dans les esprits, avant qu’on s’en soit emparé pour les chanter. On ne crée pas plus un morceau de poésie populaire, disent excellemment MM. Grimm, et surtout on ne le fixe pas plus dans la mémoire de tout un peuple, qu’on ne crée à priori, et qu’on ne fait parler une langue à une nation entière. Tenter d’improviser en pareil cas, est une entreprise extravagante, dans laquelle il faut désespérer de réussir. L’homme qui veut faire isolément de la poésie populaire, en tirer de son propre fonds, échoue habituellement, on pourrait presque dire inévitablement, dans la tâche qu’il s’est proposée[1].

Un chant existe depuis longtemps, parce qu’il s’est trouvé, au moment où il est né, dans les conditions les plus favorables à une longue existence. Dans les mêmes conditions d’être, un autre jouira du même privilège, mais il ne pourra s’en passer. Réflexion naïve à force d’être juste.

C’est pour avoir ignoré ce grand principe générateur et conservateur de la poésie dont nous parlons, que des auteurs très-estimables sont allés donner à pleines voiles contre l’écueil signalé par MM. Grimm. Les chants populaires ressemblent à ces plantes délicates qui ne se couronnent de fleurs que lorsqu’elles ont été semées dans un terrain préparé d’avance.

Quoique les gens du peuple, en Bretagne, soient généralement doués d’un génie poétique assez remarquable, et qu’on puisse attribuer indifféremment nos chansons à la masse, sans distinction de sexe, d’âge ou d’état ; cependant, il est certains individus qui passent pour leurs auteurs : ce sont les meuniers, les tailleurs, les pillaouérien

  1. MM. Grimm, loco citato.