En terminant le récit des aventures du saint et de sa fiancée, l’hagiographe populaire ajoute :
« Afin que vous n’oubliiez par ces choses qui n’ont encore été consignées en aucun livre, nous les avons tournées en vers, pour qu’elles soient chantées dans les églises. »
C’est dire assez que l’actualité et la bonne foi sont deux qualités inhérentes au chant populaire primitif. Le poëte de la nature chante ce qu’il a vu ou ce qu’on lui a rapporté, ce que tout le monde sait comme lui ; il n’a d’autre mérite que celui du choix des matériaux et de la forme poétique. Son but est toujours de rendre la réalité ; car « les hommes très-près de la nature, selon la remarque de M. de Chateaubriand, se contentent dans leurs chansons de peindre exactement ce qu’ils voient ; « l’artiste, au contraire, cherche l’idéal ; l’un copie, l’autre crée ; l’un poursuit le vrai, l’autre la chimère ; l’un ne sait pas mentir et doit à ses naïvetés des grâces par quoi ses œuvres se comparent à la principale beauté de la poésie parfaite selon l’art ; » comme l’a si bien dit Montaigne[1] ; l’autre s’instruit à feindre et réussit par la fiction.
Cette opinion est aussi celle de MM. Grimm. « Nous pouvons affirmer, assurent-ils, que nous n’avons pu parvenir à découvrir un seul mensonge dans les chants du peuple[2]. » Aussi, quand un paysan veut louer une œuvre de ce genre, il ne dit pas : c’est beau ; il dit : c’est vrai.
Mais un examen détaillé de notre poésie populaire, dans son état actuel, infaillible garant de son état passé, jettera un plus grand jour sur la question. Voyons