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« N’aboyez pas (contre) l’enseignement et l’art des vers[1]. Silence, misérables faussaires, qui usurpez le nom de bardes[2] ! Vous ne savez pas juger, vous autres, entre la vérité et les fables[3]. Si vous êtes les bardes primitifs de la foi, les ministres de l’œuvre de Dieu, prophétisez à votre roi les malheurs qui l’attendent. Quant à moi, je suis devin et chef général des bardes d’Occident[4]. »

Cette sanglante diatribe, éternel cri de la science et de l’art contre la nature ignorante et rustique, trop violente sans doute pour être prise à la lettre, est cependant, comme nous l’avons dit, d’une grande valeur historique. Le poëte nous apprend quels étaient les auteurs des chants qui couraient dans la foule, et quel était le genre de leurs compositions au sixième siècle.

Il les divise en kler, ou écoliers-poëtes, en chanteurs ambulants, et en mendiants ; il leur attribue des chansons héroïques et historiques ; des chansons domestiques et d’amour, composées sans goût, sans art, sans critique, et dans des formes nouvelles ; les unes sur des événements du temps, ou sur des personnes vivantes ; les autres, adressées aux femmes et aux jeunes filles. Une assemblée d’évêques tenue à Vannes, vers l’an 465, défendait aux prêtres bretons, aux diacres et aux sous-diacres, d’assister aux réunions profanes où l’on entendait ces chants érotiques[5], et comme s’ils eussent redouté, jusque dans

  1. BRETON DU SIXIÈME SIÈCLE BRETON MODERNE
    Ne c’hablec’h desk na gwerzuriaez. Ne chalpet desk na gwerzadurez.
  2. Peuc’h, c’houi, koz varzion fall ! Peuc’h, c’houi, koz varzed fall !
  3. Ne ouzoc’h, c’houi, barno rong gwir ha keloued. Ne ouzoc’h, c’houi, barnout rog gwir ha kelou.
  4. Myrvyrian, t. I, p. 56.
  5. Ubi amatoria cantantur. (Concil. ven., ap. D. Morice. Histoire de Bretagne, pr., t. I, p. 184.)