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Il faut que j’aille en Angleterre, que je suive l’armée du baron ; Dieu seul sait ce que j’ai de chagrin au cœur.

— Au nom du ciel ! mon amoureux, ne vous embarquez pas ! le veut est changeant et la mer est traîtresse !

Si vous veniez à mourir, que deviendrais-je ? Dans l’impatience de recevoir de vos nouvelles, mon cœur se briserait ; j’irais tout le long du rivage, d’une chaumière à l’autre : — Avez-vous entendu parler, mariniers, entendu parler de mon fiancé ? —

La jeune fille pleurait ; il essaya de la consoler : — Taisez-vous, taisez-vous, Aloïda, ne pleurez pas sur moi ; je vous rapporterai une ceinture d’au delà de la mer, une ceinture de noces de pourpre, étincelante de rubis. —

On eût vu le chevalier assis près du feu, sa bien-aimée sur ses genoux, la tête penchée, les deux bras passés autour de son cou, pleurant, en silence, dans l’attente du jour qui devait le séparer d’elle.

Quand l’aurore vint à paraître, le chevalier lui dit : — Le coq chante, ma belle, voici le jour. — Impossible ! mon doux ami, impossible ; il nous trompe ; c’est la lune qui luit, qui luit sur la colline.

— Sauf votre grâce, j’aperçois le soleil à travers les fentes de la porte ; il est temps que je vous quitte, il est temps que j’aille m’embarquer. —

Et il s’éloigna ; et sur son passage les pies caquetaient : « Si la mer est traîtresse, les femmes le sont bien plus ! »


II.


À la Saint-Jean d’automne, la jeune fille disait : — J’ai vu au loin sur la mer, du haut des montagnes d’Arèz ; j’ai vu au loin sur la mer un navire en danger ; et debout sur l’arrière était celui qui m’aime.