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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


On voudrait pouvoir en douter, mais la chose n’est pas possible, le chef de l’armée française que l’auteur de ce chant de guerre énergique flétrit du nom de traître est Bertrand du Guesclin ! Il dut tout naturellement devenir odieux a ses compatriotes du jour où, les Anglais chassés, et le pays restant exposé aux seuls envahissements de la France, il fit, lui Breton, cause commune avec les ennemis de la liberté bretonne, et commanda l’expédition dirigée contre sa patrie. « Le changement des siens à son égard le surprit et lui fut très-pénible, dit un contemporain. En vain essaya-t-il d’y porter remède : dans tous les lieux où il allait, les Bretons lui tournaient le dos. Ses parents mêmes étaient chagrins de le voir, ainsi en révolte, amener Picards ou Genevois pour combattre son vrai seigneur. Ce n’était pas très-noble guerre : ses propres soldats le quittaient pour passer dans l’armée bretonne ; tout connétable qu’il était, aucun ne lui restait fidèle[1]. » Ce titre et les autres faveurs dont Charles V l’avait comblé lui firent sacrifier au roi son pays par reconnaissance. « Le roi, poursuit l’auteur que je viens de citer, l’avait aveuglé par ses dons » Mais du Guesclin ne recueillit pas le fruit de son dévouement à la France. Vaincu ou tenant tête à son pays, il se vit bassement soupçonner par Charles d’infidélité ; juste châtiment de la félonie trop réelle qui fit exclure son image de la salle des états de Bretagne. Un historien de nos jours, et je le dis a regret, un Breton, a blâmé la sévérité des États. Dans son étude, très-remarquable d’ailleurs, mais trop empreinte des sentiments modernes sur le connétable de France, M. de Carné a trouvé la conduite de du Guesclin légitimée par la gloire. La gloire ne légitime rien, mais les regrets du bon connétable lui ont assuré le pardon : ils furent si vifs, qu’il en mourut[2]. Charles V, alors, « apprenant l’union, la résolution et l’audace des Bretons, se repentit amèrement, et craignant de plus grands désastres, il offrit la paix a leur duc (1381)[3]

  1. Guillaume de Saint-André, éd. de M. Charrière, p. 324.
  2. Trop grand deuil en son cuer avoit.
    En voyant la dissension
    Estant entre sa nacion
    Et les Françzois que il aimoit ;
    Marri estoit ; plus ne povoit.

    (Id., ibid.)

  3. Karolus Francorum rex, audiens unionem, voluntatem et audaciam Britonum..., doluit valde et timmit ne deteriora sibi et suo regno contingerent. (Chroncon. Brioncense ; ap. D. Morice, Preuves, t. I, col. 55.)