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mûrie à l’ombre d’autels proscrits ; si les moines, prenant la harpe du barde, entraînaient dans le cloître les enfants des chefs ; si la mère chrétienne enseignait à son fils au berceau à chanter le Dieu mort en croix, il y avait encore des âmes fidèles au culte des ancêtres : il y avait au fond des bois des membres dispersés des colléges druidiques, errants de cabane en cabane comme ces druides fugitifs de l’Ile de Bretagne dont parle Tacite ; ils continuaient de donner aux enfants d’Armorique des leçons traditionnelles sur la divinité, telle que la comprenaient leurs pères[1], et le faisaient encore avec assez de succès pour effrayer les instituteurs chrétiens et les forcer à les combattre adroitement par leurs propres armes[2]. Devenus hommes, leurs élèves marchaient au combat en invoquant le Dieu soleil, ou dansaient au retour en son honneur la chanson du glaive, roi de la bataille, couronné par l’arc en-ciel[3]. Leur connaissance des choses de la nature, dont ils s’occupaient si curieusement dans les écoles, celle qu’ils avaient de la médecine et de l’agriculture en particulier, assurait leur autorité sur le peuple des campagnes, qui retenait en même temps et les conseils utiles et les leçons païennes.

Parmi ces bardes rebelles au joug de la foi nouvelle, il en est un particulièrement fameux ; c’est Kian, surnommé Gwenc’hlan, ou race pure, né en Armorique au commencement du cinquième siècle. Taliesin, qui, dans sa jeunesse, le connut, dit qu’il composa en l’honneur des guerriers de sa patrie de nombreux chants d’éloges[4], sans doute du genre de ceux des anciens bardes gaulois vantés par

  1. Voyez Le Druide et l’Enfant, p. 1
  2. Ibid, p. 24
  3. Chant de l’Epée, p. 75.
  4. Myvyrian, t. I, p. 35 et 36.