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pendus des candélabres, des encensoirs, des étoles, des ciboires, des calices et des Evangiles. Comme le prince admirait cette colonne, le ciel s’ouvrit, et une jeune fille d’une merveilleuse beauté en descendit et s’approcha de lui : « Je te salue, dit-elle, ô chef Jud-Hael : je suis celle à qui tu confieras pour quelque temps la garde de cette colonne et de tous ses ornements ; j’y suis prédestinée. » Ayant ainsi parlé, le ciel se ferma, et la jeune fille disparut.

Le lendemain en s’éveillant Jud-Hael se souvint de son rêve, et comme personne ne pouvait lui en donner l’explication, il pensa qu’il fallait envoyer consulter le barde Taliesin, fils d’Onis, ce devin d’une si rare sagacité, dont les chants merveilleux, interprètes de l’avenir, prédisaient aux hommes leurs destinées[1]. Taliesin, alors exilé de son pays natal, habitait, comme on l’a dit, de ce côté-ci de la mer, près de Gildas, au pays gouverné par le comte Warok[2]. Le messager royal se rendit vers lui et lui rapporta ces paroles de Jud-Hael : « O toi qui interprètes si bien toute chose ambiguë, vois et juge le songe merveilleux que j’ai fait et raconté à beaucoup de gens sans que personne ait pu me l’expliquer. » Puis il lui fit part du songe de son maître.

« Ton seigneur Jud-Hael règne bon et heureux, répondit le barde, mais il aura d’une jeune fille un fils qui régnera meilleur et plus heureux que lui sur la terre et au ciel, et qui sera père des plus braves enfants de toute la nation bretonne, lesquels seront pères eux-mêmes de comtes royaux et de pontifes bienheureux, et régneront sur les successeurs du chef de race, dans tout le pays,

  1. Taliesinus, bardus, filius Onis, fatidicus praesagacissimus qui per divinationem, praeconio mirabili, vilas disserebat. (Ingomar, ap. Chron. Briocense, Biblioth. reg., Mss no 6003.)
  2. Ad provincium Waroki ad locum Gildae ubi erat peregrinus et exul. (Ibid.)