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maintenant ils étaient forcés : les Bretons fuyaient la domination saxonne.

En allant par delà les mers chercher leur nouvelle patrie, dit un auteur contemporain, ils chantaient sous leurs voiles, au lieu de la chanson des rameurs, le triste psaume des Hébreux traduit en breton pour la circonstance : « Vous nous avez livrés, seigneur, comme des brebis pour un festin, et vous nous avez dispersés parmi les nations.[1] »

Les émigrations devinrent si fréquentes et si nombreuses, que l’ile parut dépeuplée[2], et que peu de siècles après, le chef saxon Ina, craignant de manquer de sujets, députa vers les émigrés pour les prier de revenir, leur faisant les plus magnifiques promesses. Égalant ou surpassant même en nombre la population indigène, ils n’eurent pas de peine à faire prévaloir parmi elle leurs lois et leur forme de gouvernement. Aussi l’Armorique se divisait-elle, au cinquième siècle, comme la Cambrie, en plusieurs petits États indépendants. C’étaient les comtés de Vannes, de Cornouaille, de Léon et de Tréguier, pays celtiques par leur langage, leurs coutumes et leurs lois. Les peuples qui en faisaient partie, outre leur évêque, avaient, comme les Bretons Cambriens, leur chef particulier, quelquefois dominé par un chef suprême d’abord éligible, mais qui plus tard devint héréditaire, et qui finit par réunir à sa couronne les petits États indépendants voisins de son domaine.

Maintenant on concevra facilement pourquoi les plus anciens de ces princes dont l’histoire nous a transmis les

  1. Celeusmatis vice sub velorum linibus cantantes. (Gildas, De Excidio Britanniæ.)
  2. Spoliata emarcuit Britannia. (Henric. Hutindon, ap. D. Morice, preuves, t. I, col. 464.)