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— Certes, fait-elle, biau doux sire,
Bien vous en cuit (dois) la verte (vérité) dire
Je n’ai plus frère ni serour
J’en ai au cœur moult grand irour (chagrin),
Pour ce que suis seule en ce bois.
Bien dix ans (il y) a et quatre mois
Qu’il advint que mon frère ala
En cèle grant foret de là
A la cour du roi s’en ala,
Ne sais comment il esploita (agit) ;
Onques puis n’en ai ouï parler.
Quand de céans le vit aler
Ma mère si chaït (tomba) pamée ;
De deuil fut morte (mourut) et afinée. —
Alors a Perceval pleuré ;
Elle le prit à regarder,
Si lui vit la couleur muer (changer)
Et à larmes faire la trace
Qui lui courent aval (au bas de) la face.
Si lui a dit : Parfoi, biau sire,
Si votre nom me vouliez dire,
Sachiez que volontiers l’ouïrais.
Perceval dit : Je ne saurais
Mon nom celer (cacher), ma douce suer.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Grand pièce (longtemps) après a repondu.
— Suer, fait-il, en baptême fu
Par nom Perceval appelé. —
Quand elle ouït qu’il s’est nommé,
Si (elle) fut si ébahie et prise
Qu’à qui lui donât toute (la) Frise,
Elle n’aurait pu mot sonner (dire).
Perceval la vet (va) acoler (embrasser),
Et lui dit qu’il était son frère,
Et que pour lui morte iert (était) sa mère.
Quand elle l’entend, si (elle) le baise,
Nule rien n’a qui lui déplaise,
Mais moult grande joie s’entrefont.


Li romans de Perceval, par Chrestiens de Troyes, manuscrit de la Bibliothèque royale. Cangé, n° 7536.