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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


Ce morceau nous présente le barde sous un jour nouveau : il serait assez difficile de déterminer s’il s’adresse à Merlin-Emreis,ou à Merlin le Sauvage, car il convient également a l’un et à l’autre.

En prenant, comme Davies, Merlin pour type du Druide, ce serait le Druide magicien qui nous apparaîtrait ici, avec les attributs de sa puissance. Il s’est levé dès l’aurore ; il parcourt les bois, les rivages et les prairies ; il cherche « l’œuf rouge du serpent marin ; » ce talisman, que l’on devait porter au cou, et dont rien n’égalait le pouvoir[1].

Il va cueillir le cresson vert, l’herbe d’or et le guy du chêne. L’herbe d’or est une plante médicinale ; les paysans bretons en font grand cas, ils prétendent qu’elle brille de loin comme de l’or ; de là, le nom qu’ils lui donnent. Si quelqu’un, par hasard, la foule aux pieds, il s’endort aussitôt, et entend la langue des chiens, des loups et des oiseaux. On ne rencontre ce simple que rarement, et au petit point du jour : pour le cueillir, il faut être nu-pieds, en chemise, et tracer un cercle à l’entour ; il s’arrache et ne se coupe pas. Il n’y a, dit-on, que les saintes gens qui le trouvent. C’est le sélage de Pline. On le cueillait aussi nu-pieds, en robe blanche, à jeun, sans employer le fer, en glissant la main droite sous la main gauche, et dans un linge qui ne servait qu’une fois[2].

Quant au guy, on sait combien il était vénéré des Druides.

Mais d’où vient cette voix ? Qui ose apostropher le barde avec ce ton d’autorité ? Serait-ce quelque saint évêque chrétien, serait-ce saint Colomban ? Cela peut être ; on a dit qu’il avait converti Merlin ; si l’on traduisait les mots distroet endro, par «convertissez-vous, » cette opinion pourrait ne pas manquer de vraisemblance ; au moins il est un fait excessivement curieux à constater, c’est que les paroles que le poëte lui met dans la bouche se retrouvent dans trois pièces de poésie galloise, dont l’une est attribuée au barde Taliesin, les deux autres à Lywarc’h-Hen, et qui sont cer-

  1. Est ovorum genus in magna fama. Angues innumeri aestate convoluti salivis faucium corporumque spumis artifici complexu glomerantur: anguinum appellatur ; Druidae id dicunt, etc. Plinius, I. XXIX.
  2. Id., lib. XIV.