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LA MARCHE D’ARTHUR.


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ARGUMENT.


La popularité dont jouit en Bretagne le nom d’Arthur est un des phénomènes les plus curieux de l’histoire de la fidélité bretonne. Ce nom, primitivement porté par une divinité guerrière, le fut, au sixième siècle, par un chef illustre, mort en défendant sa patrie, et auquel on attribua plusieurs des vertus surhumaines de son homonyme adoré. Les pères invoquaient le dieu en allant au combat ; les fils chantèrent l’homme déifié, le jour de la bataille. Ni la défaite ni l’exil ne purent faire oublier Arthur aux Bretons. Sa renommée magique, traversant la mer avec eux, reçut en Armorique une vie toute nouvelle : il y devint, comme il l’était dans l’île de Bretagne, un symbole armé de la liberté nationale ; et le peuple, à toutes les époques, depuis le sixième siècle jusqu’à nos jours, y répéta, en les adaptant aux circonstances, les traditions et les bardits dont il était le sujet. Ainsi, toutes les fois qu’une guerre se prépare, on voit, en signe avant-coureur, l’armée d’Arthur défiler à l’aube du jour au sommet des montagnes noires, et l’on y répète encore le bardit suivant, qui s’est retrouvé, après douze cents ans, dans la bouche des Bretons armés pour défendre leurs autels et leurs foyers. Je l’ai appris d’un vieux montagnard appelé Mikel Floc’h, de Leuhan, qui l’a souvent chanté, m’a-t-il dit, en marchant à l’ennemi, dans les dernières guerres de l’Ouest.