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Graalon pas ne s’oublia,
Son blanc cheval fit amener.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
En l’eau entre tout à cheval.
L’onde l’emporte contre val ;
Départi l’a de son destrier,
Graalon fut près de noyer.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La damoiselle (la fée) en eut pitié,
Par les flancs saisit son ami,
Si l’en amène ensemble od li (avec elle).
. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Son destrier qui d’eau échappa
Pour son seigneur grand deuil mena.
En la forêt fit son retour,
Ne fut en paix ni nuit ni jour ;
Des pieds grala, fortment hennit,
Par la contrée fut ouï.
Prendre cuident [le veulent) et retenir ;
Oncques nul d’eux ne l’ put saisir.
Il ne voulait nului atendre,
Nul ne le put lacier ni prendre.
Moult longtemps après ouït-on,
Chacun an, en cette saison
Que son sire partit de lui,
La noise et la friente (hennissement) et le cri
Que le bon cheval démenait
Pour son sire que perdu avait.

L’aventure du bon destrier,
L’aventure du chevalier,
Comme il s’en alla od (avec) sa mie,
Fut par toute Bretagne ouïe.
Un lai en firent les Bretons,
Graalon-meur l’appele-t-on[1].


Dans la tradition originale, comme je l’ai dit, c’est la fille de Gradlon, et non le prince, qui se noie. Fuyant à toute bride sa

  1. Le lai de Gradlon-meur, poésies de Marie de France, t. I, p. 549 et 550.