La grotte auprès de laquelle le seigneur Nann rencontre la Korrigan, et que le poète donne pour demeure au génie, est un de ces monuments druidiques que l’on nomme en breton « Dolmen, » ou « ti ar Gorrigan, » et en français «Table de pierres,» ou « grotte aux Fées. » A peu de distance on trouve assez souvent une fontaine appelée « Fontaine de la Fée ( Feunteun ar Gorrigan). » Comme on le sait, les fontaines et les pierres étaient anciennement l’objet d’un culte superstitieux[1], que différents conciles, et, entre autres, celui de Nantes, tenu vers 658, proscrivirent et punirent sévèrement[2].
La ballade du seigneur Nann a été jadis mise en français, et le peuple la chante encore dans la haute Bretagne. Les fragments que nous avons pu recueillie sont une traduction exacte des stances bretonnes ; on en pourra juger par ces vers, qui doivent avoir été rajeunis :
— Oh ! dites-moi, ma mêre, ma mie,
Pourquoi les sings ( cloches) sonnent ainsi ?
— Ma fille, on fait la procession
Tout à l’entour de la maison.
— Oh ! dites-moi, ma mère, ma mie,
Quel habit mettrai-je aujourd’hui ?
— Prenez du noir, prenez du blanc ;
Mais le noir est plus convenant.
— Oh ! dites-moi, ma mère, ma mie,
Pourquoi la terre est rafraîchie ?
— Je ne peux plus vous le cacher :
Votre mari est enterré. —
On chante, en Suède et en Danemark, une chanson sur le même sujet, intitulée : Sire Olaf dans la danse des Elves, dont il existe plus de quinze variantes ; nous avons choisi la suivante comme terme de comparaison avec la ballade bretonne :